@helloitsanha x Eikimoze ⚡️ |
C'est quoi être acteur et actrice en 2023 ? Quand on pense à ce mot qui nous parait si familier mais si souvent victime d'amalgames, aujourd'hui, on peut le redéfinir. Il est associé au champ lexical du cinéma et du théâtre et pourtant, on peut être acteur et actrice et contribuer à avoir de l'impact dans une société vraiment malade et dont le diagnostic n'est pas très positif.
Glamourisé mais adulé, le métier d'acteur est difficile d'accès. Comme dans l'industrie musicale, ce job incompris par ceux qui regardent de l'extérieur et uniquement à travers le prisme de spectateur, laisse un goût amer et est synonyme d'échec et de précarité.
Sauf qu'en réalité, malgré la difficulté d'exercer ce métier à plein temps et le fait qu'au cinéma, les mêmes têtes s'alignent sur les affiches, il existe des acteurs talentueux qui ne demandent qu'à tourner, qu'à proposer, à jouer, à apprendre et parfois à se tromper. Comment avoir de l'expérience, si personne ne donne la chance à ces jeunes pousses du cinéma français d'apprendre ne serait-ce qu'une ligne ?
L'intermittence, ce n'est pas un statut de "feignant" ou de "paresseux" comme le Gouvernement ou le commun des mortels l'affirment. C'est un statut essentiel pour que la culture perdure et laisse l'occasion aux acteurs.rices d'avoir un rôle, un projet qui feront d'eux, les Deneuve, Belmondo de demain.
Pauline Chabrol, actrice depuis une dizaine d'années, a passé sa jeunesse à Lyon avant de monter à Paris pour réaliser son rêve. Persévérante, elle obtient le concours de l'ESAD puis a été reçue à la Comédie Française. Cependant, aujourd'hui, son désir brûlant et son engagement pour le droit des Femmes dans cette industrie qui est à l'image d'une société où le patriarcat ne cesse d'augmenter, sont plus que jamais présent. Prête à incarner des personnages pour faire bouger les lignes, elle raconte son histoire et surtout désacralise le métier d'acteur.
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Hello Pauline ! Voilà longtemps qu'on se connaît. Déjà 8 ans qu'on a débuté notre aventure cinématographique ensemble. Depuis l'école de cinéma, on a pas mal évoluées. Même si je connais ton parcours, peux-tu le retracer ici ?
Salut Anha ! Alors moi j'ai fait un collège sport études en danse, ce qui m'a quand même ce qui je pense, n'est pas anodin dans mon parcours parce que ça m'a initié à l'art ou en tout cas un domaine artistique qui ne me quittera plus. Enfin, qui définira un peu qui je suis, même si ça n'est pas par la danse.
Donc un collège sports études en danse à Lyon, au Conservatoire régional de Lyon et au collège Jean Moulin. Ensuite, j'ai eu en troisième mon brevet d'études chorégraphiques au conservatoire. Donc c'est un examen qu'on passe pour valider les quatre ans de danse au collège. Et puis après ça, on a l'opportunité enfin, on a le choix de continuer au lycée en passant un bac danse.
Ce que je n'ai pas fait parce que la danse ne me plaisait plus. En tout cas pas comme ça. Pas dans ce système là. C'était assez rigide. Et puis je me sentais pas à ma place. Je ne me sentais pas du tout. Je pense que je me sentais pas de développer tout le potentiel que je pouvais faire.
Donc j'ai continué dans un lycée avec une option théâtre et cinéma, ce qui m'a appris un peu ce qui était le théâtre, ce qui m'a initié aussi à une autre forme d'art les arts du spectacle vivant, les arts visuels. Et ça m'a énormément plu. Vraiment, c'est un peu changé ma vie de commencé à faire ça au lycée, même si, comme je te l'ai déjà raconté 1000 fois, je n'étais pas bonne du tout et que personne ne m'encourageait dans cette voie, que ce soit les professeurs ou les amis qui m'avaient vu jouer, ils disait que ce n'était pas ouf.
Et puis donc, je me suis renseigné quand j'étais en terminale sur les écoles de cinéma sur Paris. Et puis du coup, j'ai fait l'EICAR, une école privée qui n'était pas une formation, qui a été un début de quelque chose, mais qui n'était pas du tout fin, je sentais qu'il me manquait beaucoup de choses. Je sentais que j'avais beaucoup de lacunes en parallèle de cette école, j'ai trouvé un agent, j'ai commencé à tourner, mais je sentais que j'avais des grosses lacunes dans le jeu. Enfin que j'avais beaucoup de peur et encore une fois, j'avais la sensation de ne pas aller jusqu'au bout de mon potentiel, qu'il me manquait des choses. Et donc j'ai découvert les écoles nationales et j'ai passé le concours pour l'École supérieure d'art dramatique.
Donc l’ESAD que j'ai eu là, c'est un concours en école publique, donc que l'enseignement n'est pas du tout pareil. Il est plus qualitatif quand même parce qu'on est très peu à réussir le concours. Donc on y a beaucoup de temps qui est passé sur nous pour travailler. Et puis on travaille des techniques vocales. J'ai retrouvé la danse à ce moment là parce que j'étais dans une promotion art du mouvement.
Donc j'apprenais le théâtre, mais j'apprenais aussi à travailler mon corps à travers la danse, à travers le cirque. Donc, j'ai pu renouer avec mon corps à ce moment là et c'était une très, très, très, très belle expérience. Trois ans d'apprentissage très intense avec des intervenants du théâtre renommés. Donc c'était c'était assez, oui, qualitatif, mais c'était une aventure de fou.
J'ai rencontré des amis qui sont aujourd'hui comme ma famille, avec qui je continue de travailler, mais que je vois tout le temps et qui me sont très, très proches dans le cœur. Donc c'était un moment fou. Et puis après, j'ai passé le concours de l'Académie de la Comédie française sur ma dernière année que j'ai eu.
Et puis je suis sortie en 2020, pendant la période du vide. Ça, ça a été difficile et voilà pour mon parcours et depuis je travaille. J'essaie de faire ce que j'ai envie de faire, ce qui est très difficile parce qu'il faut d'abord savoir ce qu'on veut réellement faire. Et puis après, faut remettre tout en place pour essayer de le faire.
Et ça, c'est long et c'est difficile. Aujourd'hui, je fais du théâtre avec des équipes que j'adore et j'ai très envie d'évoluer aussi dans le cinéma.
Anha S.L "Pauline Chabrol Eyes" |
Ensemble, on fait un documentaire qui s'appelle "No Fear No More" sur ce que c'est d'être acteur et actrice dans l'industrie du cinéma. La définition est biaisée et glamourisée par la majorité de la population. Alors en quelques mots, qu'est-ce que c'est d'être comédienne ?
Être comédienne, Je pense que c'est déjà être fou ou folle, complètement taré. Mais il y a cette idée quand même de folie douce. C'est compliqué de répondre à cette question. Je dirais que c'est à la fois être une personne qui a un désir fort, très, très fort sur un métier qui est pas facile, quelqu'un qui a un feu à l'intérieur de lui. Être comédienne c'est quelqu'un qui a une vraie intelligence émotionnelle. Je pense qu'il y a un rapport à soi assez affuté. Enfin, j'espère qui est ce qui a soif et faim de faire des choses et de s'amuser avec soi.
Elle doit être résiliante aussi. Elle doit être solide et fragile à la fois, solide dans les bons moments et en même temps vulnérable au bon moment aussi.
C'est un équilibre à trouver être comédienne. C'est un équilibre à trouver être comédienne. Je pense qu'il n'y en a pas deux pareilles. Après, il y a des clichés d'être comédienne. Et oui, une comédienne, c'est une drama queen, mais vu les vies qu'on a en tant que comédienne, c'est obligé qu'un peu qu'on soit des drama queen et c'est rigolo en vrai, il faut le célébrer ça.
Moi, je le célèbre quand je me vois faire et que je vois à quel point je fais drama queen parfois, ça me fait rire. Je me dis mais c'est pas possible, c'est trop, mais c'est ça, en fait. C'est en tout cas quelqu'un qu'un rapport aux émotions, je pense un peu plus poussé que que la norme de la population et qui essaie de les épouser et qui essaie de les donner aux gens, les retranscrire.
Une comédienne, c'est quelqu'un de courageux aussi, très courageux et aussi un petit peu superficiel. C'est vrai qu'il y a des aspects de nous quand même qui sont assez superficiels et proches de l'ego. Et voilà, il faut s'en rendre compte. Je pense que c'est pas, c'est pas mal de le reconnaître et je ne pense pas que ce soit une insulte non plus.
Mais c'est vrai qu'il y a tout un rapport à soi, qu'il faut déconstruire, être conscient, ne pas laisser envahir, parfois l'ego, ça sert et ça dessert beaucoup. Mais la comédienne est une personne qui a aussi énormément besoin de de reconnaissance. Mais moi, je vois vraiment les comédiennes comme des belles personnes, des personnes qui ont envie de donner et qui ont beaucoup de générosité aussi.
Et puis des enfants, des filles, des femmes qui veulent s'amuser tout le temps, toujours, qui veulent jouer à des jeux, qui veulent vibrer, qui veulent, qui ont oui, qui ont une fibre, qui doit exploser. Bon, c'est un peu tout ça. C'est pas très clair, je sais, mais c'est difficile de répondre à ces questions de manière très concrète et très claire.
Et je fais complètement ma comédienne, c'est à dire que je blablater beaucoup, mais c'est aussi ça l’essence d’une comédienne, c'est de chercher ses mots, le bon mot et d'être juste dans ce qu'on raconte au Plateau et dans la réalité. Et parfois, ça donne un peu ces espèces de gloubi boulga.
En soit, une comédienne est une personne généreuse qui se met au service du geste artistique d’autrui. Elle est puissante et intelligente. Elle peut parfois avoir des allures de diva mais c’est une manière de se faire respecter, de poser des limites quelque part, de s’approprier un espace et d’y mettre un peu de soi, juste pour ancrer le fait qu’elle est essentielle. Juste elle.
Il y a tellement d’actrices, il est bon parfois de s’accorder l’imaginaire qu’on est pas interchangeable mais qu’on est choisie pour soi.
De ton expérience à la Comédie Française, qu'est-ce que tu as pu retenir de cette période ?
Mmmmm, c'est une bonne question. Ben je retiens plein de choses. À la fois, c'était une fin, c'était la fin de mon école et le commencement de quelque chose d'autre. Donc c'est une transition qui n'est pas facile pour moi qui n'y a pas été super facile de sortir une promotion et de rentrer dans une autre promotion.
La Comédie-Française, c'est une très grande maison et parce qu'elle est immense, elle apporte son lot de fantasmes. Donc, toute personne qui souhaite ardemment rentrer à la Comédie-Française s'imagine quelque chose. Et par essence, ce n'est pas la réalité. Elle ne peut pas être ce qu'on imagine. Elle m'a beaucoup surprise, la Comédie-Française, et elle m'a déçue aussi par endroit. Et j'ai appris énormément de choses là bas.
J'ai fait un master là bas, donc globalement, à penser un projet artistique et à le monter ça, ça a été super à rencontrer un peu tous les corps de métiers. Parce que quand on va à la Comédie-Française, ce qui est intéressant, c'est de parler à tout le monde, que ce soit les techniciens, les régisseurs, les metteurs en scène.
J'ai dit au masculin, mais évidemment, faut le mettre au féminin aussi. Les acteur.rices, les habilleuses. Il y a beaucoup de femmes, les coiffeuses, les costumiers, costumières. Tous ces corps de métiers sont évidemment très intéressants et il faut rencontrer toutes ces personnes et leur parler pour se rendre compte de notre métier.
"Parce que sans eux,
on n'est pas grand chose"
Et moi, ça m'a passionnée de pouvoir être entourée de ces gens là et puis de leur parler, et puis de savoir comment ils vivaient, comment ils travaillaient, ça a été passionnant. J'ai rencontré certains et certaines actrices qui ont été incroyables avec moi, qui m'ont beaucoup appris sur le jeu, sur la façon dont tu voyais le théâtre, sur la façon d'y rester.
Des grands enfants, passés un certain âge. Et oui, ça a été beaucoup, beaucoup de ces expériences d'un coup. Techniquement, sur plein de plans, quoi que ce soit au niveau de l'acting, qu'au niveau de ma curiosité, vraiment, chaque jour a été très rempli. J'ai vraiment cette sensation que j'ai travaillé comme une dingue parce qu'on n'avait pas de jours de vacances.
Je n'ai pas fêté Noël, je n'ai pas fêté le jour de L'an parce que je jouais tous les soirs. Donc j'ai travaillé beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup, mais que tous ces jours ont été très remplis. Enfin, je veux dire, c'est vrai qu'il y a pas un jour où il ne s'est pas passé quelque chose, où je me suis fait chier.
Donc c'est riche, c'est très riche et ça m'a appris aussi qui j'avais envie de devenir en tant qu'actrice, qu'est ce que je voulais faire et qu'est ce que je ne voulais pas faire ? Et ça, je pense qu'aucune autre expérience, ça m'a fait une expérience en accéléré de dix ans de vie, je pense, en deux ans et ça, c'est incroyable !
C'est incroyable de ça. Je suis hyper reconnaissante parce que peut être que si je n'avais pas vécu ça, je serais encore sur des questions ou des problématiques de recherche sur lesquelles je suis hyper rassurée aujourd'hui. En tout cas, je sais ce que je veux faire. En tout cas, ce que je ne veux pas faire. Il y a eu des difficultés aussi à la Comédie-Française et j'ai été confrontée à un rapport avec les hommes qui a été très difficile parce que je suis une jeune actrice.
Donc il y a des moments qui ont été difficiles, où j'ai senti que oui, qu'il y avait des choses qui étaient complètement inappropriées, qui se sont passées et que qui ne devaient plus se passer aujourd'hui. Après, j'ai pu en parler, j'ai pu dire et les choses ont changé et elles continuent de changer. Et ça, c'est chouette.
Mais j'ai eu un peu la sensation de de payer les pots cassés d'une transition générationnelle avec le Me Too qui est arrivé et de dire ça n'en peut plus faire on ne peut plus mettre une main aux fesses, ce n'est plus possible.
En passant comme ça, c'est rigolo. Maintenant c'est pas rigolo en fait. Donc voilà, il y a eu des petites choses comme ça qui ce qui se sont passées, mais qui se passent à la Comédie-Française, comme ce qui se passe partout dans la rue ou dans les entreprises. Je veux dire, c'est pas une surprise, on est des êtres humains.
Et donc. Mais c'est sûr que j'ai eu la sensation, d'un coup de voir un petit peu éduqué à dire “non, ça non.” Et c'est toujours difficile parce que ce n'est pas ma place. Et puis je suis jeune, donc on m’entend pas toujours mais c'est arrivé. Même à l'école, il y a eu des difficultés sur le comment les actrices, elles doivent être.
Par exemple, c’est pas de l'ordre du Me Too, mais c'est les injonctions faites aux femmes et c'est bête, mais du coup, les jeunes générations, j'ai l'impression en tout cas moi, il y a un truc quand même où on a envie de faire confiance à nos aînés et il y a un endroit où moi, ça m'a un peu brisé, c'est de confiance. Là, je me suis dit non, tu ne peux pas te reposer. Ils savent pas tout, y sont pas. Ils ne sont pas sur des podcast tous les jours comme toi, tu l'es à déconstruire, à essayer de chercher.
"Donc j'ai eu la sensation d'une espèce de plus
vieille
génération qui n'était pas encore déconstruite."
Et encore une fois, c'est quelques exceptions. C'est pas du tout tout le monde au sein de cette maison. Pas du tout, mais c'est arrivé et je ne peux pas faire comme si ça n'avait pas existé. Et c'est important de le dire et c'est important de dire que c'est pas grave non plus. Rien de quoi porter plainte ou quoi... Mais ça a existé et ça a été dit et ça a été pris en compte et il y a eu des mesures quoi.
Après le départ définitif d’Adèle Haenel qui renonce à faire partiede cette industrie suite à la non condamnation des agresseurs sexuels omniprésents sur les tournages, selon toi, est-ce que la jeunesse n’est-elle pas découragée de faire du cinéma, des films, de l’acting... ?
Oui et non. Non, parce qu'il y a toujours des jeunes. Il y a toujours plein d'acteur.rices qui veulent faire du cinéma, des films, du théâtre, il y en a plein, plein, plein, toujours plus, qui passent des concours pour faire des Écoles nationales supérieures. En ça, non.
Il y aura toujours, je pense, des jeunes. Mais pourquoi ? Ben je pense qu'il y a la réalité. Il y a ce qu'on voit et le désir de le faire quand on n'a pas eu l'expérience encore et souvent, ce qui est plus difficile, c'est quand on a un désir de fou de cinéma et qu'on fait une première expérience et que ça ne se passe pas bien.
Là, ça peut être difficile. Enfin, je pense que là, il peut y avoir des dépressions ou des burn out, etc Mais j'ai l'impression que le désir, il est toujours là parce que comme il y a plein de choses qui se mettent en place, enfin Me Too quand même, c'est pas n'importe quoi et que les agresseurs ont beaucoup plus peur de se faire dénoncer, il se passe beaucoup moins de choses et donc
"J'ai l'impression que la jeunesse
se repose vachement sur le fait que
de toute façon il ne se passera plus rien."
Mais évidemment c'est pas vrai et en plus être malmené, ça peut être autrement. Il peut y avoir des agressions très brutales et très brutes, mais il y a aussi plein de choses qui sont désagréables, de manière beaucoup plus insidieuse et du coup pas forcément condamnable. Parce que, en fait, c'est rien de grave à proprement parler, mais ça peut rendre malheureux des gens.
Moi, ce que je vois, c'est que ce qui fatigue beaucoup la jeunesse, c'est à quel point c'est difficile en fait d'accéder aux choses. C'est cette espèce de de racisme ambiant et d'agissements, c'est à dire que les meufs passées un certain âge, elles, ne sont plus utilisables et et les meufs noires en fait elles vont jouer que des infirmières dans des hôpitaux avec un accent africain et les meufs d'origine asiatique, c'est pareil.
Il va falloir qu'elles y mettent des accents et qu'elles jouent un cliché de personnes d'origine asiatique. Donc c'est toujours ça. Moi je pense que ça c'est beaucoup plus décourageant. Enfin, en tout cas dans mon entourage, il y a cette idée que quand on fait tout et tout est difficile à accéder et que ce soit juste, soit des rôles égalitaires et beaux et doux.
Et si en plus quand on y arrive, tu te fais agresser ? Ouais, c'est fatigant, mais globalement là non. Condamnation des agresseurs me fatigue autant dans le cinéma que dans le théâtre. Mais elle me donne pas plus envie de faire du cinéma.
"Elle me donne envie de faire du
cinéma et d'éradiquer ces gens là."
Elle me donne envie de déconstruire complètement ce système et cette mini société capitaliste patriarcale autour du cinéma qui est insupportable mais insupportable, Je n'ai pas d'autre mot, donc moi, elle me donne envie, folle, me donne plus la rage qu'autre chose.
Adèle Haenel Ce qui ça, je la remercierai toujours. Moi, je sais, elle qui a lancé un mouvement, c'est elle qui a ouvert la parole et elle a eu un courage et une force, enfin inquantifiable. Et je presque envie de pleurer en parlant d'elle tellement je suis reconnaissante de son courage et de ses actes.
Adèle, elle, est elle arrivée sur un burn-out. En fait, elle a tellement tourné, elle a tellement vu de choses. Je pense qu'elle a tellement emmagasiné qu’elle en est découragée en tout cas. Oui, je pense qu'elle a un endroit où les décourager et ça se comprend parce qu'elle a fait beaucoup de choses.
"Mais la jeunesse qui n'a pas fait, elle,
ne peut pas être découragée
parce qu'elle n'a pas fait."
Enfin, il y a un truc où moi les gens que je rencontre ont plus la rage de faire pour éradiquer qu’au contraire lâcher l'affaire. Mais j'ai aussi des potes qui sont fatigués, fatigués de te voir toujours les mêmes tourner. Parce qu'en France on a un système où c'est quand même bien souvent par vagues.
En fait, il y a des vagues de stars qui sortent. Et puis c'est tout le temps les mêmes pendant un certain nombre d'années. Puis, après une autre vague. Alors qu'en Angleterre, je trouve que quand même, on voit beaucoup plus d'inconnus, les séries, ça tourne beaucoup, beaucoup, beaucoup, avec de nouvelles têtes, de nouvelles personnes. Et on trouve qu'on a moins ça en France.
Mais c'est peut être ma perception de comédienne. Tu as envie de tourner plus, et l'autre qui est frustrée ? Je ne sais pas.
Anha S.L "Nothing Else I Can Say" |
Tu sais que je suis adepte du système D et des films qu’on fait sur le moment, parce que la vie ça se passe maintenant et faire un film dans 5 ans est pour moi, inconcevable (sauf si le film en vaut la peine), Comment faire pour tourner des films plus rapidement ? Est-ce un tremplin pour les acteurs.rices encore « inconnu.e.s » ?
Je suis assez d'accord avec ta question. Enfin, je suis assez d'accord avec ce que tu dis. Pour moi aussi c'est inconcevable d'attendre cinq ans pour faire un film. Je trouve que c'est une perte de temps et d'énergie qui est folle. Imaginer qu'un ou une réalisatrice ou un metteur en scène ou une metteuse en scène a une idée d'un spectacle ou d'un film, qu'ils aient un geste artistique en lui, qu'ils aient envie de déployer, de lancer.
En fait, rien ne peut se faire dans la spontanéité. C'est à dire que si il-elle écrit quelque chose, il verra ou elle verra son son œuvre commencer à être portée à partir de cinq ans. Moi, je trouve que c'est insupportable et je me demande ce que devient le geste artistique.
En fait, s'il est plus dans la spontanéité, on peut croire que du coup, il se construit avec le temps et tout. Mais moi, j'ai l'impression qu'il meurt aussi à petit feu. Je pense que dans cinq ans, l'idée qu'on a eue il y a cinq ans en arrière n'est plus la même. Alors oui, elle s'est étoffée ou est devenue plus précise.
Elle a gagné en maturité...
"mais je crois qu'il y a des idées qui
ne sont pas faites pour être maturées"
Je pense qu'il y a des choses qui doivent être hurlées et dites dans la spontanéité, dans l'instant, comme ce qu'on attend d'un acteur ou d'une actrice, qu'elle soit hyper instinctive, qu'il soit brut. Mais en fait, moi j'attends pareil d'un ou d'une réalisatrice qui me propose quelque chose qui soit aussi brut aussi, parfois, c'est nécessaire d'avoir des gestes comme ça.
Enfin, c'est ça qui amène aussi des petites révolutions artistiques, cinématographiques.
"Et en fait, on empêche
les révolutions."
C'est comme ça que je le vois en mettant du temps, en appuyant, en écrasant, en sélectionnant les gens.
Du coup, rien ne sort. C'est fou et avec les coupures de budgets des régions, ils financent plus trois films par an maintenant en financent plus qu’un donc donc c'est épuisant d'obtenir de l'argent. En fait, j'ai des amis qui réalisent et déposent des dossiers dans des régions, donc les régions doivent donner de l'argent, doivent choisir un projet et donnent une subvention à un projet qu'ils sélectionnent.
Mais c'est des délais de six sept mois. Donc si on n'a pas une région, on attend six mois. Faut pour aller sur une autre, six ou sept mois encore. Mais c'est fou et comment on fait pour vivre en attendant ? c'est épuisant. Et c'est aussi une des choses pour laquelle j'ai du mal à me projeter en tant que réalisatrice, même si j’en ai très envie, parce que je me dis je ne pourrais pas, je ne peux pas,
"Je n'ai pas la patience de porter un projet
à bout de bras pendant des années"
Et puis, une fois que je suis sur le sept, six ans plus tard, je me dis mais quoi ? Putain te foire pas parce que tu as attendu six ans. Il y a un truc où tout est trop sérieux et tout est trop solennel. Et c'est comme ça qu'on fait de la merde au cinéma je pense. Mais après, qui suis je pour parler ?
Personne, Ce n'est que mon avis. Mais j'ai l'impression qu'il y a un truc dans le processus qui meurt. Mais peut être que je me trompe et donc je suis tout à fait d'accord avec toi sur le système D.
"Mais par contre c'est très dommage avec
le système D parce qu'on ne peut pas
payer les acteurs"
Donc le système D, c’est super dans mon sens, dans le geste artistique pour le ou la réalisatrice, pour les acteu.rices c’est super, pour les acteur.rices inconnues.
Par exemple, moi je suis une actrice inconnue entre guillemets, j'ai fait aucun film ou super connu dans le cinéma. Pas encore. Donc oui, ce genre de projet va m'aider parce que je vais travailler. Et puis je vais pouvoir être vue quelque part, donc ça veut dire que on va pouvoir me repérer plus facilement. Mais c'est du temps que je mets au service de quelqu'un et sur lequel je ne suis pas payée.
C'est pareil. Et la réalisatrice ou le réalisateur aussi, il n'est pas payé. Donc c'est des prises de risques, mais c'est un système très normal. Enfin, on a normalisé vachement en France et ça fait un peu chier quoi. Je sais que c'est compliqué mais en tout cas moi, je suis pour le système je suis pour être dans le présent et faire tout le temps faire le plus possible et le faire dès qu'on peut.
Sans moyens, on s'en fout, on le fait, on le fait, ça payera plus tard. Mais dans ce système, mais dans la société où on est aujourd'hui, et avec l'inflation qu'on vit en fait, ça devient de plus en plus chaud, de vivre comme ça. Il y a un moment donné, il faut qu'on trouve le moyen de gagner notre vie aussi.
Et je crois en moi, j'ai pas envie de j'ai pas envie de faire un autre métier pour gagner ma vie.
Malheureusement les films comme ça peinent à trouver des distributeurs alors qu’ils sont la plupart du temps plus créatifs et originaux que ceux qui ont pu recevoir des subventions et écrits, puis réécrits et produits dans les clous avec un casting bankable, qu’est-ce que tu penses de ça ?
C'est à dire que je pense que t’as la réponse dans ta question, c'est que il y a un casting bankable déjà. Donc les gens cherchent à produire des choses qui vont leur rapporter de l'argent et il faut trouver des producteurs qui produisent pour l'amour de l'art, ça n'existe pas ou ça existe, mais peu. Il faut rencontrer ces personnes qui doivent être des petites perles à mon avis.
Mais un producteur, c'est quelqu'un qui mise, qui fait un pari et donc il n'y a plus trop de pari risqué en ce moment. J'ai l'impression que cette ambiance de fin du monde à tout bout de champ en France sur le capitalisme, enfin l'argent quoi ! J'ai l'impression qu'on est à deux doigts, que tout s'effondre tout le temps.
Et l'industrie du cinéma en fait partie, puisque toute façon, aller au cinéma, ça coûte très cher. Donc les cinéphiles y vont. Mais le reste du monde, moins.
"Donc les producteurs et les productrices
n'ont pas envie de prendre trop de risques
non plus à produire des films qui ne
rapporteraient pas d'argent."
Donc casting bankable, c'est la première chose avant tout d'avoir un casting qui rapportera des sous et pas une histoire. L’histoire, on s'en fout un peu. C'est comme les acteur.rices qui ont du talent, on s'en fout un peu. On prend des gens qui sont solides, qui sont efficaces, qui tournent, qui peuvent énormément tourner et qui rapportent des sous.
Donc si, c'est des influenceurs qui n'ont aucun skills en acting, on les prend parce qu'ils ont 50K sur Instagram ou autre et potentiellement qui vont ramener leur communauté au cinéma.
Je pense que c'est excessivement dommage et même grave parce que du coup, le métier d'actrice disparaît un peu petit à petit, on prend un peu ceux qui peuvent rapporter de l'argent et on s'en fout qu'ils soient bons.
Et c'est agaçant parce que je pense qu'il y a des acteu.rices qui sont excellents dans ce monde et qu'il serait temps de renouer avec le septième art pour l'art en fait, juste pour l'art et abaisser un petit peu les standards capitalistes qui entourent cette industrie. Juste un petit peu ou pas les ôter et complètement. Je ne pense pas que ce soit possible, mais essayer de rééquilibrer ça et de faire des chefs d'œuvre avec des gens qui jouent, des gens qui jouent bien et qui envoient du steak, qui ont ça dans le ventre et qui jouent bien.
Quoi. Et peut être que les gens ont peut être auront envie de retourner au cinéma pour voir ça. Peut être. Je ne sais pas, mais enfin,
"Il y a tellement peu de gens qui veulent
prendre des risques maintenant."
Et l'argent, ça reste la clé numéro un pour tout. Ça me fait de la peine en vrai, ça me fait de la peine. J'ai peur qu'on meure en ayant complètement oublié ce que pouvait produire de l'art et les belles choses.
Anha S.L "Cinema industry is a funfair " |
Ce sont souvent les mêmes acteurs et actrices qui sont à l’affiche, c’est comme si les histoires s’étaient cristallisées autour d’eux et qu’on était plongés dans la vie différente de quelqu’un d’autre mais qui avait le même visage. il y a certaines épiphanies comme Nadia Tereszkiewicz qui a joué dans le dernier Ozon, pour Monia Chokri qui offrent une bouffée d’oxygène mais parfois, le coup de projecteur est éphémère, comment perdurer dans le temps en tant qu’actrice ?
Encore une vaste question. Je pense qu'il n'y a pas de secret. Perdurer dans le temps en tant qu'actrice. Il n'y a pas de bonne méthode. Il me semble que déjà, il faut comprendre qu'une actrice, si elle travaille, ce n'est pas de sa faute. Alors oui, elle fournit un travail colossal dans sa vie quotidienne pour être qui elle est, pour être solide, pour être bien dans ses bottes, pour pouvoir jouer, pour être prête à jouer.
Elle doit développer un rapport à son équipe hyper aigu, où elle doit à la fois s'écouter et à la fois pas trop s'écouter et dans sa tête est bien et être curieuse et rester un enfant et faire des choses pour pas pour pas mourir. Donc ça c'est hyper important de se rendre compte que le quotidien d'un acteur ou d'une actrice, c'est un truc.
Les gens se rendent pas compte, quoi ! Nous, on se lève, on avait des journées vides. Il y a des journées où on est en résidence, où on est en prod, on est en tournage. Mais y’a des jours où on se lève. On a fini un tournage d’un mois ou on a fini une tournée de deux mois, on revient chez nous pour ceux qui ont sept jours de pause et qui repartent sur un projet, c'est super.
Et puis il y a ceux qui reviennent et qui, les deux premiers jours, trois premiers jours, vont dormir pendant 48 heures non-stop, parce qu’ils ont été éclatés, qu'ils ont tout donné et qui n'ont plus rien. En fait, après il faut qu'ils repassent une audition.
"Faut qu'ils passent des castings pour trouver
le prochain projet, mais ça,
ils ne savent pas quand ça arrive."
Ça peut être dans deux semaines, ça peut, dans un mois, ça peut être dans un an. Et comment vivre ça ? C'est épuisant, mentalement. C'est une sorte de vide. Il n’y a que les artistes qui peuvent connaître ça. C'est une espèce de plongée dans le néant. D'un coup, on sait plus ce qui va se passer. On a un rapport à soi qui est hyper biaisé d'une compagnie qu'on a l'angoisse, l'anxiété.
Mais qu'est ce que je vais faire en fait ? Et son rapport à soi, au monde, son utilité, elle est suspendu. C'est pour ça que le COVID a été hyper dur, je trouve, “pour les non essentiels comme nous.” Notre rapport à l'utilité ou au monde a été suspendu. En fait, on ne servait plus à rien et moi je me vois pas comme quelqu'un qui sert plus à rien.
Je me vois pas comme un bonus pour la société. Je pense au contraire que nos métiers sont primordiaux, essentiels et qui font rêver, voyager et qui permettent aux gens de respirer et que sans ça, c'est la mort, c'est juste l'usine du travail et de l'argent. Et c'est fou. Et comme moi, ça me terrifie. Un monde sans jeux, un monde sans rêves, un monde sans cinéma, son théâtre ou spectacle, vivant, sans peinture, sans photo, sans exposition.
Ça me terrifie personnellement. Bref, donc, une actrice, elle réussit parce qu'il y a un moment donné. Dans un casting, le réalisateur trouve l'image exacte du personnage qui s'était imaginé. C'est un hasard fou. Il peut voir 57 actrices excellentes, ça n'a rien à voir avec le talent.
"Si elle n'a pas le physique, la voix, la gestuelle,
le corps de celle qui l'avait imaginé
pendant qu'il écrivait c'est mort."
Même si la personne, c'est Meryl Streep, il faut que les gens puissent le comprendre, ça. Donc, c'est un peu un hasard si on travaille. Et puis c'est aussi grâce à nous, tout simplement parce qu'on travaille sur soi le plus possible a donné à voir le plus de personnages possibles, évidemment. Mais il y a ce truc d'être au bon endroit, au bon moment.
"C'est pas parce qu'on fait un long métrage
qu'on décolle, loin de là. Il faut continuer."
Ce n'est pas du tout évident. Il faut continuer à faire le plus de projets possibles, à faire ce qu'on aime. Et c'est important de parce qu'on sait, on ne sait pas. Mais par exemple, les actrices ou toi, tu te dis : "Ah bon, on la voit plus, elle travaille plus, mais peut être qu'elle a fait des choix cette actrice."
Peut être qu'elle a fait un long métrage et que finalement elle s'est dit : “Ah bah ! En fait j'ai pas envie de faire ça. En fait, j'ai envie de travailler avec mes amis de promotion d'école et j'ai envie de faire ça pendant trois, quatre ans.” J'ai envie de faire des tournées et puis j'ai envie de revenir au théâtre. On ne sait pas pourquoi on ne voit plus actrice et souvent on se dit : "Ah, c'est parce qu'elle ne marche plus."
Ça peut être très brutal. Les pensées qu'on a autour de ça, mais ça peut être complètement un choix de la personne aussi, il faut s'en rendre compte. Et puis, si ça ne l'est pas, il faut imaginer qu'elle fait d'autres choses, mais qui sont moins visibles. Donc, une actrice qui cartonne dans un long métrage, et puis derrière, on la voit pas tout de suite dans un autre long métrage.
C’est peut être qu'elle fait autre chose qui est plus indépendant, qui est plus justement. Elle a ciblé ses désirs, elle a plus envie de faire du gros gros cinéma qui est très commercial, mais qu'elle a plus envie de se tourner vers autre chose. C'est aussi possible ces options là,
"On ne peut pas savoir ce qui se passe pour une actrice,
mais parfois, il y en a qui joue et qui disparaissent."
Et je pense souvent celle qui a fait un discours aux César.Oh là là qui me tue, qui a fait un discours où je le regarde, je pleure tout le temps. Annie Girardot, elle avait reçu un César pour Les Misérables.
en 1996, elle a reçu le César de la meilleure actrice dans un second rôle et elle fait un discours. Elle dit :
"À moi, le cinéma m'a manqué."
Je me suis renseignée sur cette actrice incroyable. Elle a fait le Conservatoire, une école supérieure nationale, la plus grande de France. Elle a beaucoup tourné à sa sortie et puis pendant un moment plus personne ne l’a rappelée, pendant 20 ans, 30 ans, je ne sais plus combien de temps elle dit en pleurant.
Quand elle reçoit son César, elle dit : À moi, le cinéma m'a manqué. Je ne sais pas si j'ai manqué au cinéma, à moi. Le cinéma m'a manqué et la récupère son César et elle meurt pas longtemps après. Et je pense qu'elle attendait d'avoir ce César et d'avoir cette reconnaissance là. Et dire : "Mais qu'est ce qui s'est passé en fait ?"
Pourquoi plus personne m'a rappelé. Et d'avoir une dernière victoire avant de mourir. C'est tragique comme histoire, mais je pense qu'il y a de ça. Les actrices, on les prend et on les jette aussi. Il y a cette réalité là et je ne sais pas pourquoi on l'a plus rappelée. Peut être qu'elle était dans un âge où on n'appelle plus les actrices, je sais pas.
Mais parfois, la vie et le destin, ça peut être très cruel. Et je trouve, avec les actrices particulièrement, et j'aimerais que ça ne m'arrive pas. Mais pour que ça m'arrive, il faudrait déjà que je commence à faire des films, ce qui n'est pas encore le cas. Mais je pense qu'il n'y a pas de baguette magique.
"Je pense que pour perdurer
en tant qu'actrice, faut être solide."
Il faut être entouré. Il faut faire des projets différents et il ne faut pas lâcher.
En plus l’industrie ne laisse pas beaucoup de place aux actrices de + de 50 ans. on pense à Nathalie Baye, Isabelle Huppert qui elles sont les plus connues en France, mais je suis persuadée qu’il y a des rôles pour ces tranches d’âges. comment démocratiser la « vieillesse », la maturité, à l’écran et dans une industrie qui ne souhaite pas que les femmes vieillissent ?
Oui, c'est chaud pour les femmes, les actrices, mais pour les femmes de la société en général, c'est très très chaud. Je trouve ça fou à quel point les femmes sont laides quand elles vieillissent, selon les autres. Et les hommes sexy quoi. Enfin, ça me rend dingue, ça me rend dingue parce que c'est tellement difficile de choisir ce métier et de se dire : “Bon, maintenant, je vais vieillir, c'est horrible" ! Il y a double de travail sur soi et c'est moi qui paye. le psy, alors que ce sont les autres qui sont complètement fous.
Evidemment qu'il y a des rôles pour toutes les tranches d'âge.
"On a besoin de plus d'actrices, de 50 ans et
plus pour démocratiser la vieillesse."
Je pense que déjà, il faudrait qu'il y ait plus de femmes réalisatrices parce que je pense que là, y en aurait des personnages de plus de 50 ans et même avant même 40.
Il faudrait qu'il y ait plus de films autour de ces personnes là, parce qu'en fait on considère juste que ces personnes là ne sont pas intéressantes. Sinon il y aurait des films sur elles. C'est juste qu'on ne connaît pas les femmes de plus de 50 ans. On ne connaît pas, on ne sait pas ce qu'elles vivent, on ne sait pas ce qu'elles font.
Tout est à peu près tabou à partir de ce moment là, le sexe est tabou. La famille, bah, en fait, ça n'existe plus. Tes enfants sont grands et sont partis, donc tu n'es plus rien au monde. C'est à dire qu'une femme de 50 ans, où est son utilité et qui a envie de raconter des histoires pour une femme de plus de 50 ans, c'est un peu ça qui se passe.
J'ai l'impression, c'est que même moi, j'ai aucune représentation qui me vient à l'idée de Qu'est ce que ça pourrait être quoi ? On en a, on en a quelques unes dans le théâtre, on en a un petit peu. Mais ça manque parce que dans la vie et dans la société déjà, on n'y prête pas attention du tout à ces femmes.
Ces femmes ont passé le moment de la grossesse, elles n'ont pas eu le moment d'éduquer des enfants. Donc son utilité au monde est réduite à néant, quoi. Et puis en plus, elle n’est plus belle entre guillemets. Bien sûr, c'est de l'ironie tout ça. Mais donc il n'y a rien, il n'y a rien à raconter sur elles, y'a rien à tirer sur elles.
Donc je pense qu'il faudrait qu'il y ait des femmes de plus de 50 ans qui puisse réaliser. Et donc plus de femmes tout court.
"Et puis une reconnexion entre
les générations aussi. "
Moi, je prends mon cas personnel. Ma maman a plus de 50 ans et j'établis un rapport avec elle, vrai, depuis assez peu, et j'ai l'impression de découvrir plein de choses, de ce qu'elle vit, de ce qu'elle raconte, de ses problématiques.
Parce qu'une femme de 50 ans et plus a 1000000 problématiques en fait qui m'intéressent. Et je pense qu'on les écoute plus, qu'on les écoute pas assez et qu'en fait, le jour où on pourra écrire des films sur elles, ce serait que dans la société elles seront là en fait, qu’elles seront présentes, qu'on les verra et qu'on aura une autre imagination qui sera reliée à elles et qui se développera.
Et on pourrait imaginer des histoires autour d'elles. Et on aura envie de faire des documentaires autour d'elles.
Et je pense la génération de nos parents. C'est une génération qui a encore été victime du silence, de leurs parents, des grands parents. Et donc c'est compliqué, je pense, pour que ces femmes puissent se revendiquer, s'exprimer. Je pense peut être un peu, mais je me dis qu'avec les générations à venir, peut être que les femmes vont vieillir différemment et vont pouvoir être différemment.
Je ne sais pas. J'espère, mais je pense que c'est au quotidien déjà à changer pour pouvoir que ça puisse impacter dans le cinéma. Et en même temps, je dis ça, je le crois pas.
"Si ça a changé d'abord dans le cinéma,
ça changerait peut être aussi dans le quotidien
parce qu'on aurait plus de représentations en tout cas."
Et l'un et l'autre doivent être modifiés. Je pense que la solution serait qu'il y ait plus de femmes aux commandes parce que les hommes ne s'intéresseront pas aux femmes de plus de 50 ans. Ça, c'est sûr.
Anha S.L – "Pink is for movies" |
On ne va pas trop spoiler notre documentaire mais quand tu dois jouer un couple ou une histoire sulfureuse où les sentiments sont progressifs, provoquent une certaine ambigüité comme dans Julie en 12 Chapitres, est-il possible de tomber amoureuse de son partenaire de jeu ou c’est juste une attirance ponctuelle et éphémère ?
Ça, c'est vrai. Je pense que les deux sont possibles. Je pense qu'il y a des vraies histoires d'amour qui peuvent naître dans d'un jeu de couple avec un partenaire ou une partenaire. Et je pense qu'il peut y avoir des attirances ponctuelles et éphémères aussi. Et puis je pense qu'il peut aussi pas y avoir d'attirance du tout, ce qui est quand même bien plus le cas que la romance.
C'est à croire que la romance, les plateaux de tournage, c'est hyper romantique et les résidences hyper romantiques. Et au théâtre, tout, Il y a plein d'histoires qui se forment. Alors oui, parfois il y a des histoires, mais c'est quand même 10 % du truc.
"La plupart du temps,
il ne se passe rien."
Les gens rentrent dans leur hôtel le soir, vont boire un verre vite fait. Et puis voilà quoi. Ils rentrent dans leur hôtel, dorment et reviennent le lendemain travailler. Il y a un truc où parfois c'est pas drôle et que les gens qu'on aime vraiment nous manquent. Et puis parfois, c'est les grosses colonies de vacances. Juste sympas, juste amicales. Si on s'entend bien avec tous les membres du Crew, c'est quand même ça le plus important, c'est de bien s'entendre et de passer un bon moment.
Le plus important, c'est de bien s'entendre et de passer un bon moment. Et après, je ne sais pas trop quoi répondre. Les deux, les deux sont possibles, mais on peut très bien amoureux tomber amoureuse folle d'un technicien alors qu'on joue pas avec lui. C'est pas parce qu'on joue au jeu de l'amour qu'on tombe amoureux ! Pas du tout. Pour moi, pas du tout.
On peut très bien. Je peux très bien tomber amoureuse de quelqu'un d'autre, même si je joue une scène d'amour folle sur le plateau, ça reste du jeu et c'est les scènes les plus difficiles à jouer. Les scènes d'amour, c'est celles qui sont les plus difficiles à jouer parce que justement, on n'est pas avec la personne qu'on aime.
"C'est vraiment très rare
de tomber amoureux."
De ce que je vois, c'est vraiment très rare. Je pense les 5 à 10 % de situations qui peuvent arriver, quoi ? C'est souvent les comédiens et comédiennes qui sont en couple, donc ils sont déjà amoureux d'une personne quand ils arrivent et ils essayent de reproduire les sentiments qui préexistent dans leur cœur face à quelqu'un qui qu'ils n'ont pas du tout envie de toucher ni embrasser.
Donc c'est plutôt difficile, ça, c'est plus difficile qu'autre chose. En fait, jouer l'amour et puis regarder quelqu'un dans les yeux et puis lui sourire. Et puis s'il y a des contacts physiques... détrompez vous, C'est très difficile d'être crédible.
Le cinéma et le théâtre enjolivent la vie et la réussite mais la vie est parfois un peu plus joueuse, alors que dirais-tu aux lecteurs.rices et pour ceux.lles qui veulent exercer ce métier complexe mais passionnant ?
À tous ceux et celles qui veulent exercer ce métier, foncez ! Faites le ! Faites le sans demi mesure. Faites le passionnément, généreusement, faites-le courageusement. Faites le amoureusement. Faites le juste. Faites le. C'est un métier incroyable. C'est un métier qui fait vivre, qui donne envie de vivre, qui fait vibrer, qui est exaltant et qui est fatigant aussi, mais la fatigue, elle existera partout ailleurs dans le monde, sur plein de métiers.
Et de toute façon, si tu ne fais pas ce que tu as envie de faire, tu seras malheureux ou malheureuse. Donc si t'as envie de faire, ça fait le juste et apprend à le faire et que ça se passe le mieux possible pour toi. Entoure-toi des bonnes personnes. Va voir un psy et aime.
Reste avec des gens qui sont bienveillants et qui t'aiment, qui te soutiennent et ça se passera bien.
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