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Eikomania

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Ann-Laure Bourgeois créatrice de Badass La Newsletter veut que l'on redevienne les boss de la sexualité féminine

Parler de la sexualité féminine, c'est souvent tabou et s'informer devient compliqué lorsque l'on cherche des réponses à nos questions. La sexualité des Femmes est controversée. Souvent considérée comme indécente voire insolente et paradoxale par rapport à l'image sacralisée que l'on attribue à la gente féminine, aborder de ce sujet à l'adolescence est une transgression sociale. Par rapport aux hommes, on se tait, enterre nos émotions et nos interrogations. Tandis qu'eux, clame haut et fort, le nombre de leurs conquêtes, leurs derniers plans d'un soir, positions sexuelles qu'ils ont testées et anecdotes souvent validés par leur entourage. À l'inverse, si une femme a ce genre de discours, elle est catégorisée par des adjectifs comme : allumeuse, fille facile et tout le champ lexical associé aux travailleuses du sexe alors que d'affirmer sa sexualité et parler de ses expériences est totalement normal. 

À l'adolescence, hormis dans les livres de SVT qui ne sont pas représentatifs de la réalité où les explications trop scolaires sont survolées voire erronées, beaucoup de jeunes filles ne s'identifient pas et se plongent dans les magazines féminins, lisent en "cachette" la rubrique Sexo pour trouver des réponses à leurs questions.

Ann-Laure dédramatise ce sujet à travers sa newsletter qui regroupe des témoignages de Femmes qui parlent librement de leurs expériences amoureuses et sexuelles afin de désamorcer ce tabou et démocratiser le plaisir, la jouissance d'exister, d'être une humaine pleine de désirs et de retrouver le contrôle d'une sexualité encore trop stéréotypée et pointée du doigt par la société. 

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Hello Ann-Laure, j’ai lu que tu avais eu plusieurs vies, peux-tu nous en dire un peu plus ?

Salut Anha! J’ai eu plusieurs vies, oui. Je suis journaliste, mais j’ai aussi été prof pendant plusieurs années. J’ai également créé Les Intelloes, un blog qui est devenu par la suite un média féministe. L'idée, c’était d'encourager les femmes à oser en les informant sans injonction ni stéréotypes sexistes.

Il n’y a pas si longtemps, j’ai travaillé comme community manager pour une grande marque de mode. Sans compter les petits boulots que j’ai eus plus jeune comme animatrice en colo, ou baby-sitter.

Quel a été le moteur pour créer Badass, cette newsletter qui lève les tabous sur la sexualité féminine ?

Ça fait longtemps que je rencontre des femmes de tous horizons. Je me suis rendue compte que beaucoup avaient une méconnaissance de leur sexualité mais qu’elles aimaient aussi échanger sur le sujet pour s’enrichir des expériences des autres.

De plus, on parle souvent de sexualité comme si c’était quelque chose qui allait de soi, alors que c’est complètement tabou dans certaines familles. La culture, les traditions, les religions, le milieu social… tout cela façonne notre intimité, et on en parle très peu. Il existe pourtant des vraies injonctions dans le domaine, qu’elles viennent de la société ou des proches.

J’ai voulu créer un média qui proposait des récits intimes pluriels, ancrés dans une histoire forte, pour aider les autres à apprendre, s’identifier, prendre la parole, même déculpabiliser! Ce média informerait aussi sur la sexualité et l'intimité. Et Badass la newsletter est née !

D'ailleurs, pourquoi ce format de newsletter et pas un autre ?

Pour moi, le  format newsletter a une dimension très intime. Il crée une proximité avec les lectrices et les lecteurs, l’info se rend directement au destinataire. c’est l’idéal quand on traite de sexualité. 

Anha S.L – "Newsletter sur la sexualité féminine"


Depuis quelques années, on parle de plus en plus de la sexualité et des créatrices de contenus qui utilisent les réseaux sociaux notamment instagram pour insuffler cette liberté et justement libérer la parole. Selon toi, quelles ont été les précursseuses de ce mouvement et quels comptes t’ont inspirée pour créer Badass ?

Parmi les précursseuses on peut citer Jüne Plã qui a créé “Jouissance Club”. C'est top, c'est pédagogique, c'est beau...Et c’est toujours une source d'inspiration. 

Camille Aumont Carnel de @jemenbatsleclito fait elle aussi partie des toutes premières à avoir pris la parole aussi librement sur le sujet. J’adore le fait qu’elle déculpabilise complètement, c'est comme si dans tout ce qu'elle écrivait, tu l'avais déjà pensé une fois dans ta vie. Son compte, c’est un peu un journal intime ouvert à toutes et tous, et c’est écrit par la bonne copine qui te conseille et que t'écoutes avec passion. 

J’aime aussi Julia Pietri de @gangduclito. Elle a fondé sa maison d'édition qui publie ses propres livres et elle a écrit le Guide de la Foufoune Sexuelle. Elle milite pour qu'on parle de clito, de santé sexuelle féminine. Et c'est hyper important. 

A checker également les lives de Wicul qui informent sur le sexe et la sexualité. Elle parle toujours de sexe avec beaucoup de classe. 

Je recommande Afrosexology, un média américain (en anglais, donc) dédié à la sexualité des personnes noires. Il encourage l’émancipation et propose beaucoup d’outils pour se questionner et avancer.  

Ado, les pages sexo du magazine Girls! m’ont vraiment aidée, ça reste une vraie source d’inspi. 

Est-ce que ce projet part d’une expérience personnelle ?

Oui, tout à fait. J’ai reçu très peu d’éducation sexuelle mais beaucoup d’injonctions. Et j’aurais aimé bénéficier de plus de protection. C’est aussi pour cela que je propose des ateliers aux parents pour un dialogue sur l’intimité et la sexualité avec leurs enfants.

Il y a essentiellement des témoignages dans ta newsletter et pour le coup, ce sont des femmes qui parlent d’addiction au porno, de la première fois à 30 ans, de leur rapport au corps, des interdits... et on s'aperçoit que toutes ces prises de paroles reflètent le manque d’éducation sexuelle, n’est-ce pas ?

Selon moi, on manque tous d’éducation sexuelle, à un degré plus ou moins important. 

Quand tu grandis sans et que tu fais ton entrée dans la vie amoureuse et/ou sexuelle, tu n'as pas conscience de ce que tu veux ou de ce que tu ressens. Tu ne t'écoutes pas dans les relations et ça crée des déséquilibres. Cela peut toucher le consentement, les pratiques sexuelles, la façon dont tu conçois l’intimité,…

Dans la grande majorité des témoignages que j’ai recueillis, la sexualité était un sujet tabou à la maison. Les filles ont été "shamées", on leur a interdit toute vie amoureuse et sexuelle avant un certain âge. Mais elles sont rebellées plus ou moins ouvertement.  

D’ailleurs, je me suis posée la question : « est-ce que Sex Education, - la série Netflix - peut remplacer un.e sexologue et la fiction n’est- elle pas idéalisée » ? En soit, est-ce que cette série est représentative de la sexualité en l’occurence ici, des adolescents, qui expérimentent, se cherchent et qui veulent trouver des réponses ?

“Sex Education”, c’est une série hyper, hyper riche! Elle est déculpabilisante et inclusive. Elle deale à la fois de santé mentale, d’héritage culturel, d’identité de genre. 

Elle est vraiment à montrer aux ados et aux jeunes adultes. Mais elle ne reflète pas la réalité: dans la série, le lycée est une vraie “safe place”. On y voit des élèves qui se roulent des pelles, y compris des couples homosexuels. Je crois qu’il est impossible de montrer ouvertement son homosexualité dans un lycée en France  aujourd’hui sans risquer d’être harcelé ou discriminé. 

De plus, une série ne peut pas remplacer un.e sexologue qui va traiter les traumas, etc. Cependant, elle peut être un bon outil de prévention et “Sex Education” aide à s'émanciper et à réfléchir, c'est un peu de la vulgarisation d’éducation à la sexualité.

Je reviens à une question très basique mais pourquoi la sexualité en particulier féminine, c’est « touchy » ?

Parce que les femmes ne sont pas censées être dans la recherche du plaisir sexuel comme les hommes. Qu’elles sont beaucoup associées à la reproduction, et que l’étiquette “la maman” ou “la putain” est encore très présente. Le culte de la virginité est lui aussi très problématique.

Anha S.L – "Ann-Laure x Badass La Newsletter"


Quel serait ton plus grand projet pour que Badass sensibilise davantage de personnes et surtout je me demandais si le média pourrait intervenir dans les écoles avec tous ces témoignages pour éduquer les plus jeunes ?

Badass la newsletter a vocation à intervenir dans les écoles pour combler ce manque d’éducation sexuelle et affective qui nous fait défaut en France.

J’aimerais aussi développer une série de podcasts qui ferait parler les filles et les garçons.

La sexualité masculine n’est pas vraiment un sujet alors que la sexualité féminine l’est. s’il y avait un livre que tu aimerais créer/ ecrire pour favoriser l’éducation et combattre ces disparités, comment le verrais-tu ? Est-ce que finalement, on ne le troquerait pas contre ces livres de s.v.t peu représentatifs et très académiques ?

Il faudrait un livre riche en informations. Une sorte de bible, que tu ouvrirais quand tu en as besoin! Un guide à la fois pratique et spirituel, qui te rassurerait, mais que tu pourrais ouvrir à deux, à trois, ou plus ! 

Un slogan pour réveiller la sexualité qui est en nous ? 

Just be you’re own boss! (sois ta propre patronne/ sois ton propre patron).

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