Babylon, c'est le coup de poing du début de cette année ! C'est une grande inspiration de 3 heures qui nous fait voyager à travers les années 20 et la période charnière de l'industrie du cinéma pré-hollywoodien. Entre excès orgiaque, drogue qui s'envole comme les rêves des dépressifs et cruauté du métier quand le parlant vient s'immiscer dans un cinéma muet en perte vitesse comme un éléphant têtu qui peine à avancer ou qui tout simplement a peur d'intégrer ce changement s'annonçant chaotique.
Parce que Damien Chazelle, le réalisateur du fameux Whiplash, a voulu prendre des risques, sortir de sa zone de confort, rendre hommage à Singin' in The Rain, mais aux États-Unis, l'accueil de son film a été critiqué. Alors on se demande si l'industrie du cinéma range ses créateurs dans des cases en les privant de leur identité et de leurs écarts artistiques ?
Hollywood conditionne ses réalisateurs et veut modeler leurs idées.
Ce n'est pas le premier réalisateur qui a fait un flop au box-office. The Fabelmans de Steven Spielberg ou Empire of Light de Sam Mendes n'ont pas fait l'unanimité alors qu'en France, ces films ont été appréciés. Très autobiographiques, c'est depuis Licorice Pizza qu'une vague de nostalgie vient ensoleiller les salles du plein Hollywood.
L'industrie du cinéma veut que les réalisateurs – qui ont désormais une certaine notoriété et un rayonnement international – restent là où ils sont. Le capitalisme américain désire que la recette qui a fait leur succès se reproduise éternellement.
C'est ce marketing de masse qui va détruire la motivation et la créativité d'un cinéaste. Si un.e réalisateur-rice veut prendre une autre direction et expérimenter plutôt que de rester dans ce cycle cinématographique épuisant du succès, il doit être libre.
Le début d'Hollywood, c'était la liberté de créer, de penser et de fabriquer des films. Beaucoup de femmes étaient à des postes importants en tant que réalisatrices, monteuses, cheffes opératrices comme Alice Guy-Blachet... parce que le cinéma par rapport au théâtre était considéré comme grossier et vulgaire. Mais dès lors que les hommes ont vu le potentiel de ce média, et comment ce dernier provoquait le désir rien qu'en regardant une actrice sur ce grand écran et tout ça en communion avec une salle imbibée de fumée de cigarette, le cinéma est devenu un business.
La liberté au bout de la pellicule mais des chiffres extrêmement bas sur Rotten Tomatoes.
Damien Chazelle tourne ses films avec sa fougue et ses références cinématographiques bien pointues qui ont rythmées son enfance. First Man ou Lalaland – dérivé de son premier long-métrage autoproduit – représentent bien ses rêves d'enfant comme celui d'être le premier homme sur la lune et ses fantasmes adolescents aux couleurs des Parapluies de Cherbourg.
Jacques Demy des années 2020, le réalisateur franco-américain revendique sa France et son Amérique. Il remercie l'Hexagone pour avoir bien accueilli l'audacieux Babylon qui malgré sa perte de 87,5 millions de dollars, ne décourage pas le cinéaste prêt à relever de nombreux défis et ira au-delà des codes et des barrières qu'Hollywood lui imposera.
Fort de son mauvais timing, Babylon revoit les codes d'une industrie qui s'uniformise. Aujourd'hui, le cinéma connaît un pivot majeur dans sa façon de produire. Justine Triet soulignait que la France pensait davantage à la rentabilité et que l'exception culturelle française était en danger.
Mais encore là, peu d'entres-nous entrent dans les codes pour atteindre le financement d'un film. À force de vouloir rester dans une zone de confort qui devient anxiogène, limitante en matière de créativité et de relations humaines, où les gens pensent que le cinéma est un "sport et job de riches" car à côté si on pensait davantage à expérimenter qu'aux chiffres du box-office, pas mal de pépites comme Babylon – bien évidemment au budget bien moins pharaonique – pleuvraient chaque semaine et même s'ils divisent, c'est sûrement ce geste artistique et culturel qui fera avancer la réflexion et ce, dans le bon sens.
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